Pour le 21 juin 2013, Patrimoine sans frontières a organisé (sur facebook) une journée pour la fête de la musique, durant laquelle des pistes musicales, des vidéos, des textes, tous hauts en couleurs, engagés et riants, se sont succédés pour célébrer la perle des Antilles et ses musiques traditionnelles.
Dans la culture haïtienne, la musique rassemble toute la population, hommes et femmes, petits et grands, de toutes origines. Depuis le séisme, Patrimoine sans frontières a donc souhaité participer à la reconstruction du pays à sa manière. En soutenant leurs pratiques musicales, l’association s’engage au cœur-même du lien social qui unit les haïtiens, pour préserver une culture infiniment porteuse de vie. Après avoir effectué une collecte d’instruments en faveur des écoles de musique du pays, et accompagné l'Association nationale des École de Musique d'Haïti sur l'évaluation des besoins en terme de formation à la lutherie, Patrimoine sans frontière travaille à la réalisation d'un film documentaire sur les bandes à pied. Ce projet de développement et de valorisation culturelle est parrainé par le chanteur et percussionniste franco-haïtien Carlton Rara.
Kòmansman n°1 - Prologue n°1
Kòmansman n°1 - Prologue n°1
Écoutez la bande à pied Follow Jah ! Originaire de Pétion-Ville, dans la banlieue de Port-au-Prince, cette bande à pied est l'une des rares à jouer à l'étranger. Six musiciens du groupe étaient à Paris en décembre 2012. Lisez l'entretien réalisé par PSF lors de cette occasion (ci-dessous)
Voici un clip vidéo réalisé par Lazou Mizik production dans la banlieue de Port-au-Prince sur la bande rara Silibo.
Kòmansman n°3 - Prologue n°3
Kòmansman n°3 - Prologue n°3
Pour vous mettre dans l'ambiance de notre fête de la musique, regardez le clip vidéo du Kanaval 2007 de Raram no limit, une des seules bandes à pied à avoir enregistré des disques.
Chapit en : Bann Apye - Chapitre un : les bandes à pied
Chapit en : Bann Apye - Chapitre un : les bandes à pied
Les bandes à pied sont un phénomène musical urbain qui prend racine dans les pratiques traditionnelles rara, mais dont le répertoire musical et les usages divergent. Sortes de fanfares de quartier, les bandes à pied se déguisent et rythment le carnaval précédant la Semaine sainte, ainsi que d’autres événements marquants du calendrier. Dans la bande-son qui suit, découvrez la bande à pied Follow Jah, originaire du voisinage de Port-au-Prince.
Pour mettre des images sur les sons festifs que vous venez d’entendre, voici une vidéo de la bande à pied Follow Jah en répétition. Pour en savoir plus, lisez l’entretien réalisé par Romain Bijeard, délégué général de PSF, lors du séjour de la bande en France, à l’occasion du festival Africolor (du 3 au 9 décembre derniers)
Le rara moderne avec Raram no limit
Le rara moderne avec Raram no limit
Comme en témoigne sa présence sur un char lors du carnaval de Port-au-Prince (alors que les bandes à pied se déplacent généralement... à pied), Raram No Limit est une des seules bandes à pied à s’être fait une bonne place dans l’industrie musicale du pays. Ses morceaux à succès sont repris sur tout le territoire à l’occasion du carnaval.
Focus 2 - Plis detay toujou - Instruments : mode d’emploi selon Wé Fél Rara
Focus 2 - Plis detay toujou - Instruments : mode d’emploi selon Wé Fél Rara
La communauté haïtienne de la Grande Rivière du Nord, Wé Fél Rara a fêté ses 300 ans d’existence en 2012. Elle montre dans cette vidéo les secrets divers et variés de sa gamme instrumentale.
Bandes à pied et carnaval, un duo haut en couleurs
Bandes à pied et carnaval, un duo haut en couleurs
Le carnaval est un grand moment dans la vie d’Haïti. À cette occasion, les bandes à pied se rassemblent et paradent dans les rues. Des musiques sont spécifiquement créées pour l’évènement. La bande à pied Tabou Band a réalisé pour le carnaval 2013 ce clip officiel détonant.
Focus 3 - Plis detay toujou - De musique en paroles…
Focus 3 - Plis detay toujou - De musique en paroles…
Né à Port-au-Prince en 1945, Serge Saint-Jean a collaboré au quotidien Le Nouvelliste et à Radio-Haïti. Dans Cahier de l’Île noire, le poète dresse un portrait de son pays. Laissez-vous bercer par ses mots et dites avec lui « Je te salue Haïti ».
Je te salue Haïti île de feu si belle sous l’orage
Île au bras de souple palme si belle en tes attraits
Île de guitare et de rire dès cet instant premier en ivresse nocturne.
Tes arbres ont coulé dans ma chair
Leur frémissement mâle et séculaire
Dans mes yeux tes ruisseaux ont mis leur clair reflet d’indigo
Et mon rêve est paré de leur discret ombrage.
Ô nature orange et de senteur
Cent fois j’ai bu ton café fort délicieux à l’aurore
Cent fois j’ai vu tes doigts lancer le soleil dans l’espace
Et cent fois j’ai entendu l’épopée sublime de tes cascades.
Tes vergers sont mon refuge en toutes saisons
L’eden où j’écris mes chansons sans rimes ni façon
Et c’est toi qui fais de mon coeur un tambour qui bat pour les autres.
(Cahier de l’île noire, Serge Saint-Jean)
Chapit de : Rara - Chapitre deux : le rara - Musique de rassemblement !
Chapit de : Rara - Chapitre deux : le rara - Musique de rassemblement !
Venue des collines haïtiennes, la musique rara a des origines multiples, entre vaudou, tradition carnavalesque et chants de protestation. Elle tient une place très importante dans la culture haïtienne et s’est fait la voix de l’identité du pays. Les bandes rara jouent essentiellement durant la Semaine sainte. Elles sillonnent alors les rues, suivies d’une foule dansante et chantante qui grossit à mesure qu’elles avancent.
Le déplacement des bandes dans d’autres villages se fait par visites réciproques appelées « kav », et donne lieu à un rituel destiné à déjouer les sorts jetés par les bandes rivales. Le rara est essentiellement développé dans les banlieues rurales. Les zones de bandes rara les plus renommées sont Léogâne et Artibonite. Léogâne compte une trentaine de bandes, qui attirent chacune plusieurs milliers de personnes lors des parades. L’une des bandes les plus importantes est celle des Tirailleurs.
Pour en savoir plus :
http://www.ipimh.ulaval.ca/fiche-rara-leogane-19.html
http://raraleogane.com/origines-du-rara/
Le Rara en Amérique
Le Rara en Amérique
La bande à pied Dja Rara est l’une des plus importantes de la diaspora haïtienne en Amérique. Ils ont d’ailleurs joué pour l’investiture du président Obama. Voici "Why", par Dja Rara...
Focus 4 - Plis detay toujou - Création musicale et identitaire
Focus 4 - Plis detay toujou - Création musicale et identitaire
Pour la diaspora, réinventer le rara participe de la construction d’une nouvelle identité aux couleurs de la perle des Antilles. Le film The other side of the water : the journey of an haitian rara band in Brooklyn retrace le mouvement rara à New York depuis les années 1980 en suivant Pé Yves, membre de Dja Rara. Pour en savoir plus sur ce groupe et le mouvement rara new-yorkais, c’est ici : http://twn.org/catalog/pages/cpage.aspx?rec=1265
Chapit twa : Kanaval - Chapitre trois : le carnaval - Jacmel, Kanaval 2013
Chapit twa : Kanaval - Chapitre trois : le carnaval - Jacmel, Kanaval 2013
Le carnaval est un événement essentiel dans le calendrier haïtien. Chaque année, une localité est chargée d’organiser le carnaval principal. En cette année 2013, Jacmel avait cet honneur.
« Le carnaval de Jacmel est l’un des must en matière de carnaval dans les Caraïbes. Sa marque de fabrique : ses spectaculaires masques en papier mâché représentant différentes espèces d’animaux dignes de peintures naïves haïtiennes, et des « bandes à pied » qui circulent dans les rues. Le tout sur un fond musical apporté par les groupes « racines » et des bandes de musique « rara ». La musique « rara », spécificité de la ville de Léogâne, est reconnaissable à ses cornets en zinc et ses trompes de bambou à la fois soufflées et frappées, et ses mélopées syncopées. Cette musique fait partie intégrante du carnaval de Jacmel, qui a lieu une semaine avant celui de Port-au-Prince. » (Arte)
Découvrez ce moment inoubliable dans cet extrait...
Direction Port-au-Prince
Direction Port-au-Prince
Djakout mizik est un groupe haïtien de musique kompa. Depuis 1996, année de sa création, le groupe participe chaque année au carnaval de Port-au-Prince. Il a été nommé meilleur groupe des carnavals d’Haïti en 2008. Voici leur clip pour le carnaval 2013.
Focus 5 - Plis detay toujou - Kanaval okap
Focus 5 - Plis detay toujou - Kanaval okap
Plezikanaval, le site web du carnaval haïtien suit de près tous les évènements carnavalesques du pays. À travers des vidéos, il rend compte de l’ambiance électrique et magique du carnaval aux sons épicés et chantants du créole haïtien.
Influence racine
Influence racine
Avec une musique qui fusionne musique traditionnelle haïtienne, rythmes carribéens, rock et reggae, le groupe Boukman Eksperyans se fait porte-parole des Haïtiens depuis que son album Voudou Adjaé lui a assuré une renommée internationale. Pour le carnaval 2013, il joue : « Puitpuit ». Ouvrez grands vos yeux, ouvrez grandes vos oreilles !
Focus 6 - Plis detay toujou - Kanaval en live
Focus 6 - Plis detay toujou - Kanaval en live
Filmé et présenté par le blogueur Etienne Côté-Paluck, plongez dans l’ambiance de Jacmel !
Influence komba
Influence komba
Focus 7 - Plis detay toujou - « In Haïti, music is a weapon »
Focus 7 - Plis detay toujou - « In Haïti, music is a weapon »
Peut-on lire sur l’affiche de When the Drum is Beating. Mêlant images d’archives et contemporaines, ce film documentaire retrace le XXème en Haïti, à travers l’histoire de l’orchestre septentrional (vieux de plus de 60 ans !). Il témoigne de l’incroyable capacité des Haïtiens à faire rejaillir la beauté, même dans les heures les plus sombres.
Message carnavalesque
Message carnavalesque
Au fil des ans, Brothers Posse est devenu une référence du carnaval. Selon les mots de Don Kato, leader du groupe, au quotidien haïtien Le Nouvelliste « nous n’utilisons pas le micro pour faire la cour aux femmes ou jouer aux stars, nous chantons pour rendre service à notre communauté. Nous apportons des messages clés, nous sommes la voix des sans-voix. »
Focus 8 - Plis detay toujou - Carnaval en vers
Focus 8 - Plis detay toujou - Carnaval en vers
Le carnaval constitue naturellement une source importante d’inspiration pour les artistes et poètes en Haïti. Voici « Carnaval », de Max Vallès, 1971.
Le carnaval laboure la nuit
Par une musique sensuelle et nostalgique.
Le rêve s’accroche au réel.
Mon cœur bat à vitesse folle.
Mon sang reflue vers l’image troublante de ton corps
Que la musique dessine aux parois de mes pensées
Je te contemple en une présence ardente.
Tes hanches déroulent les chansons tristes
Qui pleurent l’âge d’or
Évoquent le travail sans salaire
L’espoir d’un bon demain.
Tes seins en saillie, ta bouche tentante, ton sourire épanoui
Allument ma convoitise.
Danse, danse, danse nos mélodies de parias
De va-nu-pieds des routes cahoteuses, harassantes...
Exaltante crise d’érotisme
De ton ventre famélique !
Le carnaval remémore l’Afrique,
Les durs moments de la Traite,
Les jours sombres de l’esclavage,
Les heures chaudes et fiévreuses du marronnage.
Et me voici ton héros, ton indépendance ;
Tu tresses des lauriers de ta chair
Pour couronner mon envie folle de toi.
Une étincelle jaillit du tambour,
Enflamme et multiplie nos corps
Pour les ronds des désirs cernés de toutes parts ;
La douleur explose sous la caresse délirante de la volupté.
La beauté est bue avec délice, angoisse et force.
Le tambour coule un chant sueur
Perlée, sanguinolente
Nourrie de toutes les espérances
Faisant écho dans tous les cœurs
A l’image du précieux talisman de l’album de nos tourments.
Les longs silences ont brisé les calebasses.
Le verbe suinte à travers les bambous, afflue, se répand
Pour dissiper la crainte et la peur.
Tel un arc riant de lune qui se balade dans nos caresses,
Le printemps fleurit,
La pluie arrose les champs,
Nos mains distribuent des semences nouvelles,
Des fleurs embaument nos pas.
Coumbite de Chansons quisqueyennes
Arbre à musique
Arbre à musique
Incarnant force et sagesse, le Mapou est un arbre très mystique en Haïti. Il était vénéré par les Taïnos (amérindiens des Caraïbes) et les Mayas.
Fort de son nom évocateur, le groupe Racine Mapou de Azor, est le groupe professionnel le plus populaire du courant racine. Voici donc son clip pour le carnaval 2013 !
Chapit kat : Vodou e enstriman pèkisyon - Chapitre quatre : Vaudou et percussions - Petit retour en arrière
Chapit kat : Vodou e enstriman pèkisyon - Chapitre quatre : Vaudou et percussions - Petit retour en arrière
En résistance à l’occupation américaine de 1915 à 1934, les intellectuels haïtiens ont voulu renouer avec la culture traditionnelle en se réappropriant l’héritage africain entretenu par les paysans mais dénigré par l’élite. Se développa alors une musique issue des rythmes africains vaudous. Ainsi naquit, dans la seconde moitié du XXème siècle, le style racine, tiré du vaudou et mêlé de rara et de musique carnavalesque, sur une base de reggae-rock. Les succès internationaux de la musique racine permirent de diffuser largement la spiritualité et la culture haïtiennes.
Le chanteur et tambourineur haïtien Azor a porté, grâce à sa renommée nationale et internationale, la musique sacrée vaudou à de très hauts sommets. Vous venez d’entendre le morceau réalisé par le groupe Racine Mapou de Azor (sans Azor, décédé en 2011) pour le carnaval, voici maintenant un morceau à l’introduction plus traditionnelle...
En 2011, Emile Omar, co-programmateur de Radio Nova sortait Brassens, échos du monde. Le disque regroupait des chansons de la Moustache interprétées par des groupes des quatre coins du monde, dont Racine Mapou de Azor avec la chanson « Le Testament ».
Si vous voulez (re)découvrir la version originale :
De RMA* à RAM
De RMA* à RAM
Au même titre que *Racine Mapou de Azor, la bande RAM, basée à Port-au-Prince, est fer de lance de la mizik rasin. Le nom du groupe est formé des initiales de son fondateur Richard A. Morse, qui décrit sa musique comme étant du « vaudou rock’n roots ».
Dans la musique vaudou et au-delà, dans la musique haïtienne, deux éléments sont essentiels : la voix et les percussions, mêlées d’influences venues d’Afrique. Plusieurs sortes de tambours sont utilisées, et combinées les unes aux autres. On en dénombre trois dans la musique vaudou. Le premier est le manman tanbou. C’est celui qui produit la fréquence la plus basse. Il est frappé avec la paume de la main ou avec une baguette très courte appelée « kwok ». Le segon tanbou donne le rythme. Il existe plus de 50 rythmes dans la musique haïtienne parmi lesquels : le mayi, le kongo, le djumba, le parigol, le raboday... Le marengwen, lui, sert de métronome. Sa résonnance est plus aïgue. On le frappe avec deux baguettes de bois.
Suivez le tempo du parigol, avec cette vidéo de Jeff, un percussionniste haïtien.
Pour en savoir plus sur les percussions, par ici :
Dènye chapit : Carlton rara - Dernier chapitre : Carlton Rara - Le parrain
Dènye chapit : Carlton rara - Dernier chapitre : Carlton Rara - Le parrain
Compositeur et musicien franco-haïtien, Carlton Rara s’est inventé un style personnel et métissé entre rythmes haïtiens, blues, reggae, musique vaudoue, soul... Depuis 2005, il participe à des festivals tout autour du monde et son premier album Peyi Blue fut reconnu internationalement en 2009. La musique de Carlton Rara est entrée dans le top 20 des albums world des Inrocks, en 2012.
Pour le plus grand bonheur de Patrimoine sans frontières, Carlton Rara a décidé de parrainer le projet de soutien aux pratiques musicales en Haïti de Patrimoine sans frontières. Avec ce programme, l’association veut participer à la reconstruction du pays, à travers la valorisation de son patrimoine musical. Comme vous avez pu le constater tout au long de cette journée, cette musique d’une richesse rare, est en effet au cœur de l’identité haïtienne.
Lisez, ci-après, l’interview de Carlton Rara par PSF pour en savoir plus.
Merci à nos partenaires pour cette journée : Caracoli, association de promotion des musiques haïtiennes à travers le monde, l’ANADEMH, association nationale des écoles de musique d’Haïti, et Carlton Rara.
Et merci à Juliette, Sagyne, Mathilde, Romain, Henri... pour leur participation !